J'ai vécu 5 semaines dans un ashram en Inde
23 octobre 2020


"Chacun a pris place, tel un spectateur en retard se faufilant dans l’obscurité, sans un bruit, juste avant le lever de rideau. La surface du lac est aussi douce que le silence environnant, à peine un frémissement sous un ciel à peine moins sombre déjà. Les dernières étoiles se sont effacées, l’astre approche à grand pas. Certains se sont installés au plus près du rivage après avoir descendu précautionneusement l’éboulis de roches sur leurs tongs bon marché, d’autres se sont arrêtés une fois le petit muret franchi, les pieds dans le vide, dos à la route. On devine dans la pénombre la forme découpée de quelques montagnes en arrière-plan. Le relief a cette façon de camoufler ses secrets au tout venant, ne les accordant seulement que contre patience et curiosité.
Un premier rayon de soleil fuse en ligne droite pour disparaitre sous un pan de montagne et révèle ainsi d’autres plans, d’autres contrées. Par ces repères abrupts ou rebondis, le relief redresse l’horizon et facilite la lecture des distances. Et voilà que l’on entonne quelque part le premier chant, celui du satsang matinal. Je laisse quelques refrains passer avant de me joindre au chœur, et par subtils mouvements de lèvres je murmure ces voyelles sanskrites.
La joie me gagne aux premières notes déclamées aux cieux. A cet instant, le paysage ne comporte nul pays ni société ; c’est le temps de la nature, de l’univers. J’essaie de m’accrocher aux syllabes d’une autre époque et, avec réserve, j’élève la voix, à peine, pour ne pas déborder de l’harmonie ambiante, juste un peu pour oser, déclamer, lâcher la retenue et les tensions, les émotions qui se sont accumulées ces dernières semaines dans l’inconnu et qu’il suffit de chanter, des syllabes suffisamment fortes pour que la peur coule doucement hors de soi. On chante pour faire lever l’astre du jour. Le ciel se teinte de couleurs douces et chaudes, et sur les montagnes lointaines, la cime est en feu. Puis il s’est redressé, prenant appui contre deux massifs il a enjambé le premier plan encore plongé dans le noir, silhouettes minérales, pour un bain des dieux au milieu du lac. Un sourire s’est posé sous nos fronts détendus, un profond sentiment de paix et d’unité pour nous rappeler la source première et qui occulte toutes les difficultés passées. Il n’y a que de la gratitude qui se déploie en ondes successives hors de mon cœur à mesure que le paysage se découvre."

L'article ci-dessous provient de mon ancien blog de voyage (il date un peu)...
Avril 2013 : En voyage dans le sud de l'Inde, j'ai rejoint l'ashram Sivananda de Trivandrum pour une cure de yoga et de méditation. C'est en tant que réelle novice que je franchis la porte...

Vivre dans un ashram : quelle expérience !

En relisant le journal que je tiens depuis que je suis partie de la maison, je prends conscience des changements qui se sont opérés en moi. Depuis longtemps (et surtout après avoir lu Mange, Prie, Aime d'Elizabeth Gilbert), j'avais envie de partir vivre dans un ashram. Apprendre le yoga intensivement, méditer régulièrement, me retrouver seule avec moi-même en compagnie de personnes du monde entier. Je suis vraiment contente d'avoir pu le faire car ce me fut réellement bénéfique ! Un pas de plus dans l'apprentissage de la pensée positive...
Vivre dans un ashram c'est un peu comme vivre dans une bulle, en dehors de la société, coupé du monde extérieur. Internet et téléphones portables sont restreints au maximum et il est difficile d'obtenir la permission de sortir du centre ; sauf le vendredi, jour de congé. On vient ici pour faire une retraite : se retrouver avec soi-même, se détacher des conditions stressantes de la vie.

Apprentissage de la discipline

Le mot d'ordre est discipline. Une routine est mise en place, à suivre. J'ai espéré bien des fois pouvoir rester au lit et manquer le Satsang (méditation et chants) à 6 heures du matin, mais je rêvais ! Ce n'est vraiment pas facile au début de s'adapter et de se plier aux règles, surtout pour les esprits impatients, dont je fais partie. Cependant, le but est de nous maintenir occupés (et fatigués), ça évite de ruminer...

La méditation

Méditer assise en tailleur est un calvaire. Oui, comme le dit si bien J. Van de Wetering dans Le miroir vide, méditer, ça fait mal.
On nous répète continuellement : "Asseyez-vous confortablement, les jambes croisées".
Et j'aurais aimé leur répondre bien des fois : "Mais ce n'est PAS confortable !"
Mon dos fait mal et une fourmilière entière parait circuler dans mes jambes.
Rester concentrée. Quand la douleur physique diminue, c'est mon mental qui ne s'arrête plus. Les pensées viennent sans arrêt. Se focaliser sur la respiration. Plus facile à dire qu'à faire... surtout quand une bande de moustiques a décidé de ne faire qu'un de mon sang au moment où je commence enfin à me calmer. Ils sont redoutables, au point d'attaquer au moment où l'on est le plus vulnérable. Imaginez, en cours de yoga, en équilibre sur la tête. Hum, pas grand-chose à faire...

Assouplir le corps grâce au yoga

J'ai commencé le yoga en tant que débutante pour finir dans le niveau intermédiaire un mois après. Chaque jour, de nouveaux exercices s'ajoutent. On croit que l'on va s'habituer, mais comment est-ce possible quand les enseignants ajoutent continuellement une nouvelle couche ? Mes courbatures paraissent ne jamais finir. Quelle idée ingénieuse de vendre du baume du tigre à la boutique de l'ashram ! Finalement, je découvre qu'on est assez modelable : après plusieurs semaines, j'ai gagné en souplesse, en muscles, en concentration, et je n'ai (presque) plus mal ! Ça fait réellement du bien !

Emploi du temps à l'ashram

Les journées passent et se ressemblent toutes, rythmées au son de la cloche. Lever à 5h30, méditation à 6h, puis chants religieux (je ne comprends rien mais je trouve que ça sonne plutôt bien en sanskrit) sur un fond instrumental assez entraînant. Deux heures de yoga matin et après-midi, avant les deux repas uniques (!) de la journée : à 10h et à 18h. Là aussi, on s'habitue, et les pauses thé aident à combler nos estomacs affamés. Parfois, on part faire une balade silencieuse (j'ai découvert qu'il est possible de faire marcher en silence un groupe de 200 personnes !) jusqu'au lac, pour méditer devant le lever du soleil. Très beau et reposant. La saison des pluies a commencé il y a deux semaines, bien trop en avance (le climat déraille partout cette année !), mais je n'étais pas contre un peu de fraîcheur la nuit.

Le Panchakarma : traitement ayurvédique

Durant mon séjour, je me suis offert le luxe de suivre un traitement ayurvédique, pendant deux semaines, à la clinique ayurvédique de l'ashram. Massages à la poudre puis à l'huile, bains de vapeur, pochons chauds, filet d'huile coulant sur le front puis diverses méthodes de purgation. Le but de ce traitement, le Panchakarma, est de libérer les toxines jusqu'à l'estomac puis de les expulser (purgation, énéma...). Le corps purifié, l'esprit tellement plus calme et une énergie qui rayonne à trois kilomètres ; la vie est belle ! J'en suis venue à lire tous les bouquins de la bibliothèque sur l'ayurvéda car c'est vraiment une médecine très intéressante, et assez logique dans son fonctionnement. D'après cette médecine ancestrale, trois personnes différentes peuvent avoir la même maladie, mais devront recevoir trois traitements différents. Cela se base sur le fait que nous sommes tous constitués d'une combinaison particulière des trois forces : Vata, Pitta et Kapha. Bien différent de la médecine occidentale qui ne s'occupe que du symptôme sans consacrer, ne serait-ce que trois minutes, au patient dans son ensemble (j'exagère, mais l'idée est là)...

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