Le premier jour de sa prise de fonction, elle a fait le choix de dédier sa vie à la protection de ces animaux, ces créatures magnifiques qui font l’emblème de cette région. C’est son devoir, pour son peuple et pour le monde. Mais cette région magnifique est un véritable terrain de chasse où la conservation n’a pas sa place. Trop d’intérêts en jeu qui placent le gorille à la place d’un parasite indésirable. Le braconnage, l’exploration pétrolière, les conflits armés, et même le tourisme maintenant, freiné par le risque d’attaques et d’enlèvements. L’insécurité omniprésente menace tous ceux qui se dressent pour la protection des gorilles des montagnes. La pression est si forte, mais elle tient, pour son frère et son grand-père, et s’il faut se battre pour cela, elle est prête !
Larika ! Larika ! Attends ! Derrière elle, un homme court et l’appelle, avec plus de souffle que de voix, pour ne pas éveiller l’attention des braconniers installés un peu plus haut. C’est Monouk, son ami, un guide hors pair et un chasseur redoutable. Il s’est élancé à sa poursuite peu de temps après son départ. En quelques enjambées, le voilà près d’elle. D’une poigne musclée, il attrape son bras : Arrête et regarde-moi ! Que vas-tu faire une fois que tu seras là-haut ?! Veux-tu mourir toi aussi, comme Kananwa, comme Barthelemei, Gombe et les autres ?. Il égrène le nom de quelques-uns des 175 rangers assassinés dans l’exercice de leur fonction. Furieuse d’être considérée comme une petite fille, Larika se débat, retenant ses larmes. Lâche-moi, tu me fais mal ! Tu les as vus comme moi ! Ils veulent les adultes et le dominant, il faut les sauver ! Lui tournant le dos, vexée, elle reprend ses jumelles. Les braconniers sont toujours camouflés dans leur cachette, immobiles. Ils ne sont plus loin.