J’ai atterri à Mayotte début juin, au début de l’hiver austral, sur cette courte piste qui fait tant polémique. Dix jours, c’est trop court bien sûr pour
comprendre un lieu inconnu même si on fait vite le tour de cette tout petite île, et cette escapade a laissé en moi un sentiment mitigé. Je pourrais me contenter d’une excuse facile, c’est l’Inde ou le Groenland par exemple, et hop, incompris, différent, emballé de stéréotypes, le voyage est classé et l’esprit satisfait. Mais là, je suis dans le 101e département français...
Qu’est-ce qui fait d’un autre un compatriote ? La langue, la nationalité, le pays de naissance, la couleur de peau, la religion, le contenu du petit-déjeuner quotidien, le style vestimentaire ? Je déambule, fatiguée d’un voyage de presque vingt-quatre heures, blanche de cet été qui ne vient pas, vêtue à l’occidentale, et déjà je suis la
muzungu, l’étrangère. Les paroles qui me parviennent sont d’ailleurs. Des intonations malgaches me laissent rêveuse ; le
village de Sahoany n’a jamais été si proche depuis mon départ fin 2016.
Peu après l'atterrissage, au milieu d’une foule cosmopolite et colorée, j’embarque sur la barge. En face, c’est Grande-Terre, et dans le lagon, le Marion Dufresne se repose. Ce fameux navire océanographique français est en mission scientifique à Mayotte pour suivre la
naissance d’un volcan sous-marin, "phénomène exceptionnel" suivi par la communauté internationale. Il serait même entré en éruption ! Plus tard, lorsque les premières vibrations se font sentir, je souris, partageant l’enthousiasme d’une mère qui sent sous sa paume les premiers coups de pied du fœtus.
Je fais mes premiers pas dans Mamoudzou avec en tête ce récit poignant que je viens de terminer, Tropique de la violence, qui conte cette « île des enfants perdus ». Ma conception de Mayotte se résumait à des chiffres, le nombre d’espèces marines indigènes, sujet de ma mission sur place ; c’est tout. Cette lecture brise l’émerveillement naïf du nouveau venu qui inspire pour la première fois les effluves de l’ylang-ylang. Fais attention, ne sors pas la nuit, ne te promène pas toute seule, ne porte pas d’objets de valeur, etc. Aux recommandations des uns s’ajoute une nouvelle couche de parano ; et à chaque fenêtre de chaque maison, les barreaux d’acier mettent en doute l’espoir d’un climat paisible. Mais qui, de la peur ou de l'expérience, parle vraiment ?
Après quelques jours dans la capitale, encombrée et sans charme, je m’enfuis vers les plages du Sud. La voiture serpente à 50km/h le long du lagon avant de plonger sous des arcades de feuillages. Trop "seule" pour m’évader dans cette nature luxuriante et grimper en haut du Mont Choungi qui offre un magnifique panorama sur le lagon et me nargue du haut de ses 594 mètres, j’ai plongé, là où seuls les poissons et (très nombreuses) tortues marines se tiennent en embuscade. Un requin gris fait le guet, les dauphins s’élancent le long du bateau, les murènes agitent leur mâchoire, la passe coule à pic et le long du tombant, la vie marine frétille entre les éponges, gorgones et coraux colorés. Alors, j’imagine d’autres plongées, les majestueuses raies Manta, les baleines à bosse qui arriveront bientôt, les mérous géants, le dugong, si rare, et je voudrais rester dans le grand bleu, encore.
➤ Laissez-vous emporter par ces clichés en plongée profonde, de
Gabriel Barathieu.
En 1974, les Comores, colonie française depuis un siècle environ, votent pour l’indépendance à la majorité (plus de 90% des suffrages). Mais dans l’archipel, l’une des quatre îles (Mayotte, Anjouan, Mohéli et Grande Comore) n’est pas de cet avis. L’Histoire aurait pu s’arrêter là, mais la France décide de juger les résultats île par île et lance en 1976 une nouvelle consultation à Mayotte, brisant nette l’unité des Comores. Choix de cœur ou manœuvre politique, les avis diffèrent selon les protagonistes. L’Union des Comores crie à la trahison, l’ONU met la France en garde, la condamne, 20 fois, mais sans succès. Aujourd’hui, après nombre coups d’état et assassinats politiques, les Comoriens quittent la misère pour rejoindre Mayotte en kwassa-kwassa au péril de leur vie ; et les Mahorais, aux (plus ou moins lointaines) racines comoriennes, malgaches ou tanzaniennes pour une grande partie, dénoncent l'étranger.
MES CONSEILS... pour un voyage réussi !