En voyage en Asie du Sud-Est pendant quatre mois, je viens de passer quelques jours au bord de la rivière, entre les villages de Muang Ngoi et Nong Khiaw, dans une ambiance qui invite à la détente. Puis j'ai repris le bus en direction du nord du Laos...
La ville de Luang Namtha
Luang Namtha, située au nord-ouest du Laos, n'a vraiment rien d’intéressant en soi. C'est une petite ville avec de larges rues quadrillées relativement propres. Point de départ de nombreux treks de 1 à 4 jours au sein du parc national de Nam Ha, cette région a su bien développer l'écotourisme. Le long de la rue principale s’enchaînent les guesthouses, restaurants et agences de treks. En face, se trouve le marché nocturne où l'on mange de bons plats locaux pour moins de trois euros (salade de papaye, riz frit, nems, canard rôti, etc.). Le matin, je déguste ma soupe de nouilles sur le grand marché de jour où je découvre parmi les produits habituels des tas de petites chauves-souris séchées ou des grappes de grenouilles vivantes attachées entre elles par une patte. Décidément, en Asie du Sud-Est, tous les animaux sont comestibles : oiseau, rat, chien, écureuil, civette, grenouille, cigale, etc. La viande de brousse est interdite à la vente normalement.
INFOS PRATIQUES
Unecarte de Luang Namtha et des environs est disponible au magasin de location de vélos, en face du marché nocturne, si vous souhaitez partir vous balader dans les villages environnants.
La station de bus de Luang Namtha est à 8 km du centre-ville et de là, finir le trajet en tuk-tuk (10'000Kip). Par contre, pour se rendre à Muang Sin, prendre le bus à la station locale qui se trouve juste à l'entrée de la ville.
Chaque agence de trek a déterminé ses propres parcours dans la jungle, donc aucun risque de rencontrer d'autres touristes en chemin. Selon leurs rapports avec les locaux, les villages croisés seront plus ou moins authentiques et accueillants. La plupart des agences ont des guides en freelance. Le prix des treks décroît en fonction du nombre de personnes inscrites.
L’agriculture sur abattis-brûlis
A Muang Khua, je m'interroge sur ces lambeaux de cendre qui tombent sur fond de ciel bleu. C'est plus tard, sur la rivière Nam Ou, que j'en découvre l'origine : un feu volontaire, chaud et crépitant, sur une parcelle délimitée. Plus au nord, sur la route entre Nong Khiaw et Luang Namtha, ce sont des pans entiers de montagnes qui se trouvent mis à nus. Au milieu de chaque terrain trône une maison de paille, abri de fortune pour les agriculteurs. Oui, nous sommes face à une pratique d'agriculture très répandue dans le monde au niveau de la zone intertropicale : l'agriculture sur abattis-brûlis.
"[...] est qualifié d’agriculture itinérante sur brûlis tout système agricole dans lequel les champs sont défrichés par le feu et cultivés pendant une période brève pour être ensuite mis en jachère, le plus souvent forestière, à longue révolution." Conklin, 1957.
Cette méthode ancestrale d’agriculture est utilisée principalement par les Khamu, le premier peuple à venir s’implanter au Laos vers l'an 1000 av. J.-C. Retranchés vers des terrains en altitude après l'arrivée du peuple Lao, ils sont habitués à cultiver dans les montagnes. Chaque famille possède 3 à 5 parcelles qu’ils déforestent (sans arracher les souches d'arbres) avant d’y mettre le feu, dans le but d’enlever toute végétation et de rendre le sol plus fertile. Pendant une ou plusieurs années, ils cultivent du riz de montagne (qui n'a pas besoin d'être irrigué) sur la première parcelle, puis ils passent à la deuxième, et ainsi de suite avant de revenir à la première. Cela laisse au sol le temps de se reconstituer.
"[...] c’est parce qu’elle se laisse porter par les phénomènes naturels que l’agriculture itinérante sur brûlis participe dans bien des cas à la préservation de la biodiversité. [...] L’agriculture itinérante sur brûlis est aussi une agriculture de "clairiérage", donc consistant à amputer la forêt. Cette ablation du couvert forestier est interprétée comme le préambule à une déforestation irréversible. C’est oublier que la forêt assure son entretien par un mécanisme de "clairiérage" naturel. [...] le "clairiérage" à des fins agricoles n’est nullement "contre-nature", dès lors qu’il est temporaire, dynamique et que la taille des parcelles exploitées (en moyenne 0,5 ha) est du même ordre de taille qu’une perturbation naturelle. Mettant à contribution le potentiel naturel de cicatrisation de la forêt, l’agriculture itinérante sur brûlis participe à l’entretien de la sylve." GIPTA - Agriculteurs itinérants sur abattis-brûlis
Les agriculteurs dépendent de ce type d'agriculture plutôt durable pour leur survie. Le problème actuel vient d'ailleurs, de la Chine. Il y a quelques années, les compagnies chinoises sont venues convaincre les villageois de planter des arbres à caoutchouc sur leur parcelle, à la place du riz, en leur offrant un prix très intéressant. C'était bien payé et peu à peu, tout le monde s'y est mis. Puis, avec l'offre et la demande, les cours du caoutchouc ont énormément baissé et les agriculteurs n'arrivent plus à joindre les deux bouts. Il est impossible de couper les forêts d'hévéas pour replanter du riz car cette plantation a dégradé le sol pour plusieurs années (utilisation de pesticides et autres engrais). Or, puisque les parcelles restantes destinées à la culture vivrière sont moindres, il n'y a pas d'autres choix que d'en couper de nouvelles. Le gouvernement a laissé faire et tente maintenant de contrôler les villageois, quand il faudrait en réalité réguler l'impact des entreprises chinoises - comme ce tronçon de route qu'ils ont construit dans une zone du parc qui abrite une biodiversité importante.
Un trek mémorable dans le parc national de Nam Ha
Au départ d’un village Khamu, nous sommes un tout petit groupe à randonner, dont une Sud-Coréenne de 24 ans qui se lance dans un tour du monde d’un an, seule. Sa mère la soutient mais son père n’approuve pas ce projet. Très strict paraît-il, elle a préféré lui dire qu’elle partait étudier l’anglais en Nouvelle-Zélande. C’est la première asiatique que je rencontre avec ce genre de projet, parmi les Européens qui font la majorité en Asie du Sud-Est.
Nous sommes accompagnés d’un villageois "qui peut survivre pendant un an dans la jungle sans rien !", d’après notre guide, Tom. Laotien dynamique et parfaitement anglophone, il est le jeune manager de l’agence avec laquelle je pars. Aux abords du village, l’herbe verte repousse déjà sur plusieurs parcelles récemment brûlées. En plaine, les quelques rizières en terrasse semblent abandonnées, dans l'attente du repiquage en juin-juillet lorsque les réserves en eau sont suffisantes ; au Laos, il n'y a qu'une seule récolte annuelle (contrairement au Vietnam). Les premiers kilomètres, la pente est raide et le chemin difficile. Le guide nous ouvre le passage à coups de machette.
La mousson arrive
La mousson se prépare, avec des pluies régulières, mais débute véritablement au mois de juin. Les nuages gris se rapprochent. Soudain, c’est l’averse. Pendant une heure et demie, on marche couvert, en prenant soin de protéger les sacs à dos - notre sac de couchage est censé être sec pour cette nuit ! Je suis impressionnée, ils parviennent à allumer un feu sous la pluie pour griller deux poissons achetés au marché avant de partir. Juste au moment de passer à table sur des feuilles de bananier, la pluie s’arrête et on mange notre morceau de riz gluant avec une petite sauce délicieuse et le poisson. On profite du feu pour se sécher rapidement, et c’est reparti.
Restaurant dans la jungle
En milieu d’après-midi, on atteint le campement. Pendant que l’on part se rafraîchir dans le ruisseau, nos deux guides commencent à cuisiner. Ils font cuire du riz gluant à la vapeur et fumer de la viande de porc. Dans la forêt, ils amassent différents ingrédients : des feuilles pour épaissir les différentes préparations, des pousses de bambou, des fleur de bananier et du rotin, qui s’ajoutent aux légumes et épices transportés dans leur sac. On se régale !
Une nuit arrosée
Après quelques verres d’alcool de riz on s’endort sur la plateforme en bambou, sous un toit de feuilles de bananiers. La saison des pluies commence et notre guide n’était plus très sûr que le toit soit à 100% étanche en cas d’orage. Réveillés en sursaut au milieu de la nuit, on aura l’occasion de s’en rendre compte... Il pleut à verse, le tonnerre gronde, et nous sommes réfugiés dans un coin encore sec, protégeant nos sacs de couchage, pendant que Tom part couper de nouvelles feuilles de bananier pour sécuriser la toiture. Enfin, on se recouche, mais ce n'est pas fini. Je sens les gouttes tomber une à une sur mes pieds et je reste éveillée un long moment, priant pour que cette pluie interminable cesse enfin, les jambes mouillées dans mon sac de couchage, inconfortable et fatiguée. La prochaine fois, il prendra les tentes !
Rencontre avec les sangsues
Le lendemain on repart en longeant le ruisseau. La végétation est si dense. Sur le sol, les sangsues s’agitent et s’agrippent à nos chaussures grâce à leur ventouse à chaque extrémité. Durant toute la matinée, je ferai don de mon sang à une vingtaine de ces petits vers gluants. Le sang peut couler jusqu'à 10 heures après les avoir retiré, à cause des substances sécrétées par leur salive. Le pire, c’est qu’elles remontent parfois tout le long de la jambe sous le pantalon. On ne les sent pas toujours, ou alors c’est comme une petite piqûre, et c’est en se déshabillant qu’on découvre qu’il y en a 5 ou 6 qui se remplissent goulûment incognito.
Un repos bien mérité !
Un coq chante dans les environs. Tellement habituée à les entendre à longueur de journée que cela ne me paraît pas particulièrement extraordinaire ; sauf que nous sommes loin des villages cette fois. Oui, ce coq est sauvage ! On passe à côté d’un très grand arbre, dont le tronc creusé à l’intérieur abrite de petites chauves-souris. Décidément, ce trek a été une vraie plongée dans la forêt sauvage. Je regrette de ne pas avoir vu d'animaux. Ce parc de 2000 km2 abrite la panthère nébuleuse, le gaur, le petit kanchil de Java, des singes et même quelques éléphants. Étant chassés, ils se cachent. A la fin de cette journée ensoleillée, les jambes douloureuses, on atteint la route. Cela n'aura pas été toujours facile, mais comme toujours, rétrospectivement, après une bonne nuit de sommeil, on en rigole. Le cadre était vraiment magnifique, vert, dense, sauvage... et humide.
Muang Sing, un melting pot d'ethnies
Une heure et demie de bus à travers le parc national sur une route accidentée pour rejoindre Muang Sing, une petite ville poussiéreuse. Cette région, qui comprend 91 villages, est réputée pour abrite une riche mosaïque ethnique. La frontière chinoise est à 10 km seulement, et les nombreux commerces chinois se reconnaissent aux lampions rouges accrochés à leur devanture. Étant la seule touriste en ville, je demande à l'office du tourisme de m'ouvrir le musée ethnique, où sont présentées les différentes ethnies de la région avec leurs habits traditionnels. Dorénavant, ceux-ci ne sont plus portés que lors d'événements majeurs pour la plupart. Je passe à vélo à travers des villages d'ethnies différentes, mais à mes yeux ils semblent tous similaires. Des maisons en brique côtoient de belles maisons sur pilotis en bois, à côté de petites habitations en bambou.
Le musée ethnique, bâtiment de l'époque coloniale
BONNES ADRESSES (testées et approuvées à 200% !)
Zuela Guesthouse : Cette guesthouse en bois a beaucoup de charme. Les chambres sont grandes et propres, et disposent même d'un petit bureau. Elle est située juste en face du marché nocturne, un peu en retrait de la route principale, donc c’est plutôt calme. Seuls points négatifs : les draps en synthétique et la douche (le jet est très faible).
Taidam Guesthouse : Un coup de cœur ! Proche du marché de jour, ces jolis bungalows offrent une belle vue sur les montagnes, quelques habitations et, juste en dessous du balcon, des fermes piscicoles. Les chambres sont propres et lumineuses, avec des baies vitrées ! C’est calme et le cadre est vraiment reposant. Le soir, les lucioles clignotent - féerique ! Super rapport qualité-prix.
Agence The Hiker : Le trek décrit dans cet article a été organisé par cette agence qui est l'une des meilleures de la ville. Le guide parle très bien l’anglais et, passionné, nous apprend plein de choses sur les villages, la culture locale et le parc national. Ce fut un vrai trek dans la jungle, au milieu de forêts primaires sauvages. Très authentique. Cette agence possède ses propres guides, qui connaissent le parc comme leur poche.
Phou Iu Guesthouse (à Muang Sing) : A l'entrée de la ville, cette guesthouse regroupe une vingtaine de jolis bungalows construits sur le modèle des habitations ethniques, autour d'un grand jardin. Les chambres sont plutôt lumineuses, et un banc sur la terrasse permet de se poser dehors au calme. De la documentation intéressante sur Muang Sing est affichée dans le bureau de l'agence de voyage, à l'entrée.
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