Une expérience, oui.
"Je m’incline face à cette nouvelle expérience. Une expérience, oui. Comme toujours, dès que les choses se compliquent un peu, c’est une expérience. De celles qui fendent le socle des croyances établies, émoussent l’ego trop tranchant et taillent de multiples facettes où se reflète l’essence brute. Et quand ce n’est pas une expérience, c’est l’extase ou, plus souvent, l’ennui, routinier et sans éclat. Cela explique peut-être ce goût d’une existence pleine de détours, esquives à l’éteignoir, cette recherche du merveilleux.

L’ennui. Une fois de retour dans le domicile familial, il avait pris place dans mon dos et, sous ses mains, mes épaules s’étaient avachies. Sur la table, un diplôme vantait l’accomplissement depuis six mois déjà. Sur l’écran, les candidatures stériles me renvoyaient l’échec.
L’école trace un sentier net à travers une succession de cols toujours plus étroits, points de rencontre des caravanes étudiantes. Au sommet, une lueur encourageante éblouit les moments de doute, soulage les courbatures et donne l’espoir d’une descente en pente douce.
Les années se gravissent, de la Suisse au Québec en passant par la Suède pour finir à nouveau en France. Bientôt, disent les mousses et les lichens, graffitis du temps exposés le long du chemin. Bientôt, susurre le vent froid contre ma peau gercée. Bientôt, tout ira bien. Et un jour, quand l’ascension s’achève, tout en haut, une main agrippée sur l'étendart de l'université, j’ose un regard sur l’autre versant. Mais là, il n’y a rien qu’une falaise à pic.

Les promesses suspendues

Journal de bord d'une éco-volontaire à Madagascar

Lauren Terrigeol
Commander
Apposé au vide, le décor en carton-pâte expose son artifice. Le vertige me guette. Va, me presse-t-on après m’avoir remis dans une main un papier brillant du sceau doré de l’établissement et de la réussite. Dans l’autre, mon destin frétille, boussole affolée par l’affranchissement soudain. Saute, me crie-t-on. Dans la brume épaisse, quelques passerelles en acier se dessinent puis disparaissent en grinçant vers des ailleurs fades. Les pieds sur le bord, j’attends, pétrifiée.
Un matin de septembre 1994, les adultes l’avaient guidée dans la classe. Écoute et sois sage, disaient-ils en souriant. Vingt rentrées plus tard, elle avait appris par cœur les grandes dates d’une certaine Histoire du monde, les intégrales et les équations du second degré à coefficients réels, les fonctions biologiques de chaque organe et molécule animale et végétale, et tout ce qui repose désormais au cimetière du savoir oublié. Chaque fin de trimestre, c’était le grand déballage. La cervelle, écœurée, vomissait sur la copie avec plus ou moins d’habileté ce que l’instructeur s’en irait peser, faisant contrepoids de ses stylos rouges - il paraît que la quantité de connaissances retranscrites est censée estimer la valeur de l’individu. Pendant que, sous pression, elle s’échauffait, actionnant ses pistons d’analyse et de synthèse, j’imaginais un futur idéal, promesse de liberté. Et voilà que tout m’échappe. La ritournelle quotidienne des devoirs a brouillé la piste de mon vouloir profond. L’intuition s’écorche contre son conditionnement, les doutes m’éraflent. Sur les bancs de l’intelligence scolaire, où était le cours de conscience de soi ? Retrouve-t-on le bon chemin après un temps d’égarement ?"

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